La cantine française : un lieu d’exception ?

Publié le par foodandglam

En reconsidérant bien l’ensemble de vos souvenirs de cantine (dont le fameux jeu du verre… « hé t’as quel âge ??... Ah bah dommage t’as perdu, t’es bon pour aller chercher la carafe !... »), j’imagine que l’idée d’une cantine française « d’exception » vous paraît légèrement… déconnectée de la réalité ! Pourtant, la France est bien une exception : c’est un des seuls pays (peut-être même le seul…) où l’enseignement est le premier secteur de la restauration collective ! Dans les autres pays (même européens), il est beaucoup plus rare que les écoles proposent une restauration scolaire, les élèves ayant d’autres habitudes pour le repas du midi. Une chance pour eux me direz-vous ?... Pas sûr…

Au Danemark notamment, le système est très différent du modèle français : les écoliers déjeunent avec des « lunch box », dans des salles parfois équipées d’écrans télévisés géants… (jusque-là, certains diront : « mais c’est le pied cette cantine ! »… Attendez un peu !). Le moment du déjeuner n’est pas du tout structuré par le repas et son contenu ; c’est un moment très informel centré sur le loisir (musique, télé, jeux…). Les plus grands mangent souvent dans une petite salle qui leur est réservée tandis que les plus petits mangent dans les salles de classe.

Enfin, il existe une autre différence de taille entre Danemark et France, plutôt au niveau du comportement des enfants: alors qu’en France les valeurs de partage et de commensalité sont toujours très présentes, y compris à la cantine, il semble que les écoliers danois soient beaucoup plus individualistes au moment du repas de midi… Lorsqu’un enfant ne peut avoir sa lunch box (par exemple en cas d’oubli de son ticket de cantine), même s’il exprime clairement sa faim et son envie de manger, il est très probable qu’absolument aucun de ses camarades ne lui propose de partager sa propre lunch box… Des sociologues français (dont Valérie Adt) ont en effet observé ce genre d’attitude de manière récurrente au Danemark… Mais heureusement jamais en France !... (toujours envie d’une cantine « à la danoise » ?...)

 

Cependant, d’après des sondages français1 interrogeant le point de vue des enfants comme des parents sur la cantine, celle-ci semble très loin de nous sembler digne du qualificatif « exceptionnel »… Les parents sanctionnent la cantine d’une note généralement inférieure à 3 (3 correspondant à la mention « satisfaisant » dans l’étude) et ils sont en général très sévères sur la qualité gustative des repas (plus que sur la qualité nutritionnelle). Quant aux enfants, ils dénigrent de plus en plus les repas de cantine en grandissant et pour 75,7% des adolescents, la cantine est surtout associée à un moment de convivialité (et non à un plaisir gustatif !).

 

Or on estime qu’en moyenne, un demi-pensionnaire français aura pris plus de 2000 repas à la cantine au terme de sa scolarité ! Et depuis 1975, la fréquentation globale des cantines ne cesse de croître, avec bien sûr de fortes disparités, notamment en fonction des zones géographiques (fréquentation beaucoup moins élevée en ZEP), de la CSP des parents et de l’âge des enfants (la fréquentation diminuant avec l’âge).

 

Lorsque l’on apprend que le contexte du repas peut avoir une influence tout aussi importante que le contenu de l’assiette sur la prise alimentaire2, on comprend pourquoi la Fondation Nestlé, partenaire du programme VIF3, a jugé utile et urgent de se pencher sur la question d’un possible « réenchantement » de la cantine ! De nombreuses solutions sont à l’étude, dans plusieurs villes pilotes de ce beau projet intitulé « Plaisir à la cantine » : certains travaillent sur les aménagements, en particulier pour limiter le problème du bruit, tandis que d’autres se sont davantage concentrés sur la création de liens humains, notamment entre le personnel et les enfants, pour améliorer l’ambiance générale !

 

Souhaitons-leur beaucoup de réussite… Afin que peut-être un jour l’expression « Cantine d’exception à la française » prenne tout son sens !

 

 

 

1 Enquête CLCV 2009 notamment

2 les quantités ingérées peuvent en effet varier d’environ 30 à 50% en fonction de l’environnement du repas !

3 Anciennement EPODE, programme lancé par l’association FLVS, dont l’objectif principal est la prévention de l’obésité par des actions de terrains à l’échelle des communes

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